Au début des années 60, Studebaker s’en allait droit dans le mur de la faillite. Il lui fallait un modèle révolutionnaire pour remplacer ses modèles vieillissants et, ainsi, sauver sa peau. Cette voiture, ce fut l’Avanti, créée par le génial Raymond Loewry. La voiture était révolutionnaire mais elle n’a pas sauvé Studebaker.

Le designer industriel Brooks Stevens, qui avait déjà beaucoup travaillé pour Studebaker, s’est vite rendu compte que l’Avanti ne serait pas la voiture de la relance. Stevens s’est donc mis à l’œuvre pour créer une véritable voiture d’avenir qui pourrait sauver Studebaker. Et planter Loewry qui n’était pas particulièrement son ami. Cette voiture fut la Sceptre.

Si l’Avanti était surprenante, que dire de la Sceptre? Cette voiture à deux portes et cinq places possède des lignes extrêmement modernes, légères et élégantes avec un soupçon de futurisme étonnamment réaliste. Bref, on était loin des démodées Lark et Hawk.

L’œil est immédiatement attiré par la partie avant avec sa grille de rasoir qui cache les phares. La section arrière, étonnante de simplicité, cache ses feux derrière une bande rouge. De toute beauté. Le pilier C, à l’arrière, présente un design qui rappelle celui de la Ford Thunderbird mais en plus léger. Croyez-le ou non, ce pilier est constitué d’un panneau de verre teinté!

Un peu partout sur la voiture, le triangle est à l’honneur. On le retrouve sur les enjoliveurs, en plein centre du capot, sur le couvercle du coffre et sur les dossiers des sièges, entre autres. Il n’est d’ailleurs pas sans rappeler le logo des Dodge Dart du début des années 60.

Le tableau de bord, lui, est carrément différent de tout ce qui se fait en 1963! Les jauges sont remplacées par des sortes de bulles de verre et, devant le siège du passager, il y a un coffre permettant de mettre du maquillage, par exemple. Pas sûr que ça passerait aujourd’hui! Ce coffre peut aussi servir de table. Ça passerait mieux.

Le prototype est réalisé en Italie par Sibona & Basano, un carrossier qui a déjà produit la Studebaker Lark Wagonaire, bien connue des amateurs de voitures anciennes, ainsi que quelques Abarth et Bizzarini. La Sceptre, construite à un exemplaire seulement et livré en avril 1963, coûte à Stevens 16 000$, une grosse somme pour l’époque mais peu élevée compte tenu de la qualité du travail effectué.

Je n’ai trouvé aucune information au sujet de la mécanique, mais étant donné la piètre situation financière de Studebaker, le moteur aurait probablement été un Chevrolet comme c’était le cas pour les modèles fabriqués au Canada (1964 à 1966), après la fermeture de l’usine de South Bend en Indiana.

Avec le recul, il est indéniable que même si Studebaker avait choisi la Sceptre plutôt que l’Avanti, elle aurait quand même fait faillite. Ce n’était pas une voiture révolutionnaire dont Studebaker avait besoin. C’était d’une voiture de masse, bonne et moderne, qui aurait remplacé la gamme Lark. Heureusement, la Sceptre a survécu et il est possible de la voir au Studebaker National Museum de South Bend en Indiana.

Cet article a été publié dans la revue Le Tacot des Voitures anciennes de Granby, édition sept/oct 2022