J’ai eu le privilège, au cours des 25 dernières années, de travailler très souvent avec Jacques Duval. Je ne peux pas dire que nous étions des amis mais notre relation a toujours été, enfin presque toujours été, cordiale et marquée par le respect. Le mien envers ce monument de l’automobile au Québec mais aussi, étonnamment, le sien envers moi, le débutant.
J’ai rencontré Jacques Duval une première fois au Salon de l’auto de Montréal dans les années 90 alors qu’il était porte-parole pour Ford. Nous avions échangé quelques mots mais, trop impressionné devant mon idole, je les ai tous oubliés dès qu’il a eu le dos tourné pour jaser avec d’autres admirateurs.
Une première lettre
Deux ou trois années plus tard, je lui ai écrit une lettre (dans une enveloppe, avec un timbre…) dans laquelle je lui disais ce que j’aimais du Guide de l’auto et ce que j’aimais moins. Quelques mois plus tard, j’ai reçu une lettre de retour de Duval, me remerciant d’avoir pris le temps de lui écrire. Je ne le savais pas à ce moment, mais cette lettre allait un jour jouer un rôle dans ma future carrière.
Jacques Duval lors d’une visite chez Ferrari (Crédit: Archives famille Duval)
En 1999, Jacques Duval était le président d’honneur du Granby International où j’étais bénévole. Je l’ai rencontré sur le site et nous avons échangé un peu. Je lui ai rappelé qu’il avait déjà répondu à ma lettre quelques années auparavant. Puis, nous avons parlé des articles que j’écrivais, bénévolement, dans le magazine des Voitures anciennes de Granby, le Tacot. Encore une fois, je ne le savais pas à ce moment, le fait d’écrire dans un magazine, même si son tirage était infiniment petit comparé aux grosses pointures de l’époque (Le Monde de l’auto, Pole-Position, l’Auto Ancienne du club des Voitures anciennes du Québec, entre autres), allait un jour jouer un rôle déterminant dans ma future carrière.
Une critique constructive
Pour ne pas que Jacques Duval m’oublie, quelques mois après le Granby International je lui ai fait parvenir, par fax cette fois-ci, ma critique du Guide de l’auto 2000 qui venait d’être publié. Je mentionnais ce que j’aimais et ce que je n’aimais pas et les raisons pour lesquelles j’aimais ou je n’aimais pas. Sans complaisance, sans condescendance.
Quelques semaines s’écoulent et un soir, en revenant du travail, j’ai un message de Jacques Duval sur mon répondeur, avec sa belle voix radiophonique, me demandant de le rappeler. Les aisselles nageant dans une mer de sueur, je l’ai rappelé et nous avons discuté une bonne heure, à la fin de laquelle je me suis retrouvé titulaire de la section des véhicules d’occasion dans le Guide de l’auto 2001.
L’auteur de cet article, pas peu fier de poser avec son idole lors du lancement du Guide 2001.
Pourquoi moi?
Quelque temps plus tard, il m’a dit que s’il m’avait appelé cette journée-là, c’était parce j’avais prouvé, dans ma dernière missive, que je savais écrire, que j’avais du jugement (je l’ai déçu quelquefois par la suite…) mais, surtout, parce qu’avec mes textes dans le Tacot, même si parfois les tournures étaient maladroites, je m’étais créé un portfolio.
Et si l’approche avait été aussi facile au Granby International l’été d’avant, c’est qu’en lui disant qu’il avait répondu à ma toute première lettre, c’est comme si je lui donnais un mot de passe. Il m’a expliqué qu’avec son horaire hyper chargé, il ne répondait qu’aux gens en qui il voyait du potentiel ou qui étaient sérieux dans leur approche.
Vous voulez devenir journaliste automobile?
À ceux qui désirent un jour pratiquer le métier de journaliste automobile, créez votre portfolio. C’était vrai en 2000, ce l’est encore en 2024. Écrivez bénévolement pour un magazine d’autos anciennes ou démarrez votre propre site internet où vous rédigerez vos textes et réaliserez vos vidéos, le tout sans recevoir un sou. Évidemment, ce bénévolat se terminera dès que vous participerez à une publication ou un site reconnu, mais ne vous attendez pas à devenir millionnaire en quelques mois!
Juste un petit exemple : En 2014, au Guide de l’auto, nous voulions engager un journaliste. Il y avait évidemment une foule de candidats, tous plus méritants les uns que les autres, mais un jeune homme, Frédérick Boucher-Gaulin, est ressorti du lot. Valet dans un stationnement de Montréal, il s’amusait à faire des 0-30 km/h avec les voitures des clients et en parlait ensuite sur son blogue. Ce (très) modeste blogue nous prouvait que le gars était un fan fini de chars mais il démontrait aussi qu’il avait le sens de la communication et qu’il était suffisamment sérieux pour tenir à bout de bras une publication à moyen ou long terme.
Il faut savoir se démarquer. Je n’ai pas été associé au Guide de l’auto pour mes connaissances de l’automobile. Une foule de gens en connaissent davantage que moi sur le sujet. Ce qui m’a démarqué des autres, c’est surtout la qualité de mon écriture, souvent teintée d’humour.
Bien entendu, il importe que votre niveau de français, écrit et parlé, soit très relevé et que vous pouvez aligner quelques mots devant une caméra sans avoir l’air idiot (ce que j’ai souvent eu l’air, remarquez…).
En passant, j’ai toujours trouvé que le titre de journaliste était plutôt galvaudé, dans la plupart des cas on devrait parler de chroniqueur automobile, ce que j’ai été bien plus que journaliste!
Avant de terminer, sachez que le métier de journaliste automobile n’est pas toujours aussi rose qu’il en a l’air. Les heures sont innombrables, la paye ne suit généralement pas la quantité d’heures investies, les événements de presse sont souvent éreintants et les Ferrari et Lamborghini sont pas mal plus rares que les Hyundai et les Toyota. Ceux qui veulent pratiquer le métier uniquement pour les belles voitures risquent d’être amèrement déçus. Pour réussir dans ce métier, il faut, non pas aimer, mais adorer l’Automobile, avec un grand A et savoir communiquer cet amour.
Jacques Duval, lui, adorait l’Automobile et la Communication.